04/02/2012
Maria Suzanna
Vendredi 3 Février, 15h55
Dans le métro ligne 4 , retour après le spectacle de Michèle Bernard créé à Ivry, au théâtre Antoine Vitez. Je griffouille quelques mots sur la magie de toujours renouvelée des spectacles de Michèle de St Julien-Molin-Molette, sur cette création vivement conseillée de 7 à 107 ans et même 107 ans et demi. Et j'écris Maria Suzanna, une amie commune si on peut dire que Michèle Bernard a chantée il y a déjà quelques années..
La maîtresse a dit : "Elle s'appelle
Maria-Suzanna
Elle sera là jusqu'à Noël
Puis elle s'en ira"
Alors ça pouvait arriver
Au beau milieu de la dictée
Une môme fagotée comme l'orage
Fille du vent et du voyage ?
A l'école, on n'a pas revu
L'enfant née en terre inconnue
L'orage n'a plus éclaté
Au beau milieu de la dictée
Ô Maria-Suzanna où es-tu ?
Et dans ce voyage dans les mots et les musiques de Michèle Bernard, j'imaginais cette gamine manouche, ou rom, ou venue d'un pays malheureux... Le métro s'arrête, je jette un oeil pour voir où j'en suis de ma traversée de Paris à Ivry, et retour, et devant ma fenêtre, pile devant, cette affiche :
Bon le métro repart, je descends donc à la suivante, reviens sur les lieux, pour la photo, et là, je me demande si ce couple de japonais téléphone (et à qui?) pour poser la question inscrite sur l'affiche.
Quant au bambino dans la poussette, est-ce qu'il demande à sa maman: « maman c'est quoi l'hospitalité du vieux français ? » une idée qui se discute, il paraît...
Comme tout finit par des chansons , voici l'intégrale de Maria Suzanna
Elle a débarqué dans la classe Un vrai courant d'air
Drôle de dégaine et drôle de race Un matin d'hiver
Au beau milieu de la dictée Sur le ciel et la voix lactée
Elle s'est assise tout près de moi Derrière le p'tit bureau de bois
La maîtresse a dit : "Elle s'appelle Maria-Suzanna
Elle sera là jusqu'à Noël Puis elle s'en ira"
Alors ça pouvait arriver Au beau milieu de la dictée
Une môme fagotée comme l'orage Fille du vent et du voyage ?
{Refrain}
Ô Maria-Suzanna où es-tu ? Dans quelle nuit t'es-tu perdue ?
Reste-t-il pour croquer ta vie, Manouche Quelques dents dans ta bouche ?
Ah, de Varsovie à Saragosse Roulottes-tu toujours ta bosse ?
Si belle encore mais comme tes semblables Toujours indésirable
J'ai attendu à la sortie Pour accompagner
Cette môme qui m'avait pas souri Même pas parlé
Elle a mis sa main dans la mienne J'ai suivi la p'tite bohémienne
Le long d'un boulevard tout gris Aux pauvres arbres rabougris
Trois caravanes sous la neige Autour d'un grand feu
Comme un immobile manège Et des hommes entre eux
Qui parlent une langue inconnue Étonnés que je sois venue
Dans la gadoue, chercher du miel Au pays des Romanichels
Ses petits frères l'attendaient Devant la roulotte
Et tous ensemble ils sont entrés En fermant la porte
Elle a fait adieu de la main Et j'ai rebroussé mon chemin
Jusqu'à ma maison de ciment Où d'vait s'inquiéter ma maman
En m'retournant j'ai vu encore Derrière le rideau
Ses yeux noirs qui brillaient si fort Qui tenaient si chaud
A l'école, on n'a pas revu L'enfant née en terre inconnue
L'orage n'a plus éclaté Au beau milieu de la dictée
Ô Maria-Suzanna où es-tu ? Est-ce de t'avoir aperçue
A belles dents croquer ta vie, Manouche Que j'ai eu dans la bouche
Ah, ce désir si fort de partir Et chanter pour ne pas trahir
L'enfant qui va sa vie, coûte que coûte
En repensant à cette affiche qui arrive dans mon paysage exactement avec Maria-Suzanna, il me semble que j'entends une voix « Il n'y a pas de hasard, tout est écrit. » avec le sourire un peu complice de Jacques Prévert, dans sa cigarette éternelle. Pas étonnant, on venait de passer porte de Choisy, là où Prévert avait écrit de jolies choses pour Henri, Rico, Mille Pattes, Crolla, le petit soleil de la porte d'Italie. Porte de Choisy, la zone en 1925-30... Là, à côté des baraques des ritals venaient s'amarrer pour un jour, une semaine ou un mois, les roulottes manouches de la famille Reinhardt, et Rico jouait sur la mandoline de maman Térésa. Ou dans la roulotte de la belle Laurence, la maman de Django. La zone c'était pas le club Med, mais c'était un paradis provisoire pour ces oiseaux de passage qui faisaient naître d'un terrain vague par delà les fortifs des musiques qui allaient traverser les océans au gré des vents sur quelques nuages baladins. C'est peut-être un de ces nuages qui s'est arrêté dans le pays de Maria Suzanna, et qui fredonnait Douce France... Une idée comme ça …
Maria Suzanna reviendra peut-être, on n'est jamais à l'abri d'une bonne nouvelle. Mais vu les frimas de saison restez couverts.
Norbert Gabriel
Et pour les dernières nouvelles de Michèle Bernard, c'est par là
http://www.michelebernard.net/
00:01 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chanson, manouche, immigré