15/08/2014
Comediante tragediante …
On est tous des drogués
Des fainéants alcooliques
Qui ne pensent qu'à draguer
Et jouer de la musique
Des poètes ratés
Intellectuels gauchistes
Des pseudo révoltés
Des bourgeois anarchistes
On est tous des tarés
Juste bons pour l'asile
Des âmes torturées
Qui s'admirent le nombril
Des valeurs falsifiées
Des hippies à la manque
Des requins de vivier
Avec un compte en banque
Ça peut paraître drôle
Mais c'est nous qu'on vient voir
Le soir au music-hall
Dans notre meilleur rôle
Et nos tours dérisoires
On est tous des pédés
Des pervers, des immondes
Des mendiants cravatés
Qui se croient gens du monde
Des cabots, des paumés
Qui se croient gens de lettres
Parce qu'ils ont fait rimer
Deux ou trois chansonnettes
Ça peut paraître drôle
Mais c'est nous qu'on vient voir
Le soir au music-hall
Dans notre meilleur rôle
Et nos tours dérisoires
On est tous des pédés
Des mendiants cravatés
Qui n'aiment pas travailler
Qui ne pensent qu'à briller
Des cabots, des paumés
Qui parfois font rimer
Je t'aime avec tu m'aimes
Avec je t'aime, tu m'aimes
Et oui, Ça peut paraître drôle Mais c'est vous qu'on vient voir Le soir au music-hall et dans les festivals. Vous les saltimbanques, comédiens, gugusses (c'est là ma gloire dit Micheline Dax) tragédiens, clowns et arlequins, jongleurs de mots et de notes, chantistes et poètes...
L'interprète est-il l'homme de ses chansons ? Le comédien est-il l'homme de ses rôles ?
Renan Luce est-il ce mafieux Repenti puisqu'il le chante à la première personne. Comme Sardou chante à la première personne Je suis pour ... L'auteur de chansons est parfois l'homme de ses chansons, mais quand Pia Colombo crée Avec ta gueule de métèque, ça démarre pas, quand Moustaki chante « Avec ma gueule de métèque » ça devient un tube.
Le comédien qui chante, fait vivre des personnages, l'interprète fait vivre des chansons, le comédien va vers le personnage, l'acteur tire le personnage à lui. Parfois, le personnage, fictif ou réel, envahit l'interprète, l'habite en prenant toute la place. Béla Lugosi aurait été vampirisé au sens propre par Dracula, légende ou réalité ? Alain Delon parle de lui à la troisième personne, et Johnny s'est assez volontiers pris pour Presley. Lama s'est pris pour Napoléon...Inspiration, admiration, imitation, incarnation ?
Lors des Jours Ferré, une interprète est apparue trop expressive pour quelques personnes, dans une de ses chansons, Ferré était-il un ramollo de l'interprétation ? Faisait-il dans la bluette déphosphatée ? Il ne viendrait à personne, enfin j'espère, de dire qu'Annick Cisaruk est trop expressive quand elle fait revivre les chansons de Ferré. En revanche, un comédien interprétant Ferré, en s'accompagnant au piano entre dans un exercice plus compliqué. S'il fait le choix comme Jean Paul Farré de se démarquer résolument du modèle, encore que sur le plan capillaire, il y a du Ferré, le public qui connaît son Ferré dans le moindre bécarre, peut être troublé s'il y a rénovation trop audacieuse qui sort des rails bien tracés.
Dans un autre spectacle le groupe Gevrey-Chambertin fait revivre Gainsbourg, au sens propre, le chanteur est tellement Gainsbourien que c'en est troublant, mais c'est un show avec plusieurs partenaires musiciens. C'est une mise en tableaux vivants des chansons de Gainsbourg.
Autre exemple, il y a quelques années, Agnès Debord a créé un spectacle sur les chansons de l'amour vache des années 30... Chansons qui traînent dans des souvenirs en images noir et blanc avec des chanteuses d'époque qui renvoient à nos grands-mères, ou arrière grands-mères.. Et voir revivre ces chansons interprétées par une très jolie fille de 25 ans leur donne un éclat contemporain, l'amour sera toujours l'amour, dans tous ses états.
Bernard Dimey a été souvent mis à l'honneur avec des chansons centrées sur le folklore de Montmartre, côté les p'tites femmes de Pigalle et leur environnement, mais Dimey ce n'est pas que Syracuse ou Le cul de ma soeur »... C'est L'enfant maquillé , Mémère (et Pépère) et des chants désespérés, superbes, et c'est une comédienne, Valérie Mischler, qui a le mieux mis en scène toutes les facettes de ce géant du verbe et de la chanson.
Comme Annick Cisaruk avec Ferré, femmes et comédiennes, elles s'affranchissent plus facilement de ce qui peut être incarnation de l'auteur, pour donner une dimension nouvelle aux chansons. En faire découvrir certaines peu connues, comme J'm'appelle la lune difficile à chanter pour un homme.
Il a été beaucoup question dans le microcosme de la chanson de parole, ou à texte, ou qui raconte , du spectacle d'Emmanuel Depoix, trop Ferré pour certains, épatant pour d'autres. Ayant vu des extraits de 3 ou 4 chansons dans des spectacles collectifs, j'ai été ravi de son interprétation de la chanson Les 400 coups même si c'est très Ferré, ça m'a rappelé que Ferré n'a pas toujours été le prophète imprécateur des longs textes lyriques, il a été ce Ferré chantiste narquois et rigolard, celui qui chantait aussi Les amoureux du Havre ou Monsieur Barclay que je n'ai jamais vu en scène dans ses jeunes années; ma première rencontre pour de vrai, c'était en 1982, à Roanne dans sa période Ferré bande orchestre lyrique, et c'est l'image qui reste en surimpression quand j'entends Ferré, le vieux lion rugissant.
Alors, si Emmanuel Depoix me fait revivre un Ferré plus jeune, tout est relatif, disons Léo à 40 ans, je crois que ça peut me plaire. Parce que ça resitue un auteur dans son contexte de vie, de création. C'est le personnage qui revit, en scène. Et c'est peut-être ce qui va m'intéresser quand je verrai ce spectacle. Même si les chansons n'ont pas d'âge, il y a un âge plus crédible que l'autre pour certains rôles ou certaines chansons... Comme Faut vivre de Mouloudji, pas sûr qu'on soit convaincant à 20 ans avec ce texte d'âge mûr.
Idem pour Cyrano, souvent joué par des comédiens quadra (alors que celle qui joue Roxane a en général moins de 25 ans) Cyrano a 21 ou 22 ans, un an ou deux de plus que Roxane, Depardieu est bien, mais il joue à 40 ans le rôle d'un jeune homme de 20 ans... mort à 36 ans … Est-ce bien raisonnable ?
Après les coups de chaleur de l'été, j'attends Emmanuel Depoix « en entier » avec son Ferré, on n'est jamais à l'abri d'une bonne nouvelle.
Norbert Gabriel
La chanson en introït est de Georges Moustaki.
Photos NGabriel (sauf Bernard Dimey)
21:43 Publié dans Blog, Musique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : emmanuel depoix, léo ferré, annick cisaruk, dimey, valérie mischler