Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2010

Mon enfance rouge

 

Mon enfance rouge...

 

Le temps des cerises... et le chiffon rouge..

 

Quand nous chanterons le temps des cerises

Et gai rossignol et merle moqueur

Seront tous en fête

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au cœur

Quand nous chanterons le temps des cerises

Sifflera bien mieux le merle moqueur

 

Ça a commencé avec le temps des cerises, celles qui nous étaient promises par le cerisier loué pour la saison. Car nous avions dans un grand pré, une huitaine  de cerisiers devant la maison, (celle évoquée dans les tartines à Pierrot) et chaque famille pouvait louer son cerisier pour l'été. Des grosses cerises bien juteuses, dont on pouvait se barbouiller à l'occasion, pour se faire la peau rouge de Cochise, Aigle Noir, ou Yawatha. Le temps des cerises, c'était le prélude à l'été et aux grandes vacances.

Et puis ça a continué  par la grâce d'une rentrée à la nuit tombante, en hiver, en longeant le monastère à l'heure de vêpres, ou un truc comme ça, ce fut la révélation des chants choraux, par les Frères Maristes de Saint Genis Laval, producteurs de la très réputée Arquebuse de l'Hermitage, une potion-liqueur médicinale élaborée avec 33 herbes secrètes cueillies dans les collines environnantes. Un élixir que chaque famille se devait d'avoir dans sa pharmacie, avec l'aspirine, du Rhône bien sûr, de l'eau oxygénée, et du mercurochrome. Avec ça on était paré pour survivre à toutes les avanies de santé et de genoux écorchés. Mais les frères ne jouaient pas que de l'alambic, ils chantaient aussi vêpres, en latin et en chœur, avec orgue, et c'était magnifique. Jusque là, je ne connaissais que les chanteurs, d'opéra ou de chanson, Caruso et Montand, Chaliapine et Rina Ketty, Trénet et Renata Tebaldi, Luis Mariano et  La Callas. Les chœurs des Frères, ça m'a révélé aussitôt une vocation foudroyante d'enfant de chœur, en habit rouge comme il  se doit. Les cerises, la tenue d'enfant de chœur, le rouge était mis.

Par ailleurs, mon ébéniste de grand père, tout passionné d'opéra et de bel canto qu'il fût, avait des sympathies pour les communistes, pas tellement ceux de Moscou, mais ceux de Yougoslavie, et Tito, parce qu'il avait réussi l'inimaginable, fédérer la Yougoslavie, et par sa relative indépendance vis-à-vis du Kremlin.

Ce qui précède explique pourquoi j'allais au catéchisme et parfois au patronage (pour faire des courses sur échasses) avec « Pif le chien »  sous le bras. Le curé, connaissant le communisme de mon grand père - courant Peppone-Don Camillo- ne s'en fâchait pas plus que ça. D'un côté, le curé nous racontait Jésus et ses potes, de l'autre l'école publique nous enseignait la république et ses mérites, Jésus voulait qu'on s'aime les uns les autres, les communistes voulaient l'égalité et le partage des richesses, c'était cohérent.

C'est  pourquoi j'en suis venu très vite à la déduction personnelle que Jésus était le premier communiste de l'histoire avec ses principes de partageux. Quid des partageux ? ça on l'avait appris à l'école publique, c'était ainsi qu'on fustigeait les socialo-communistes vers 1900. Ceux qui voulaient partager, comme Jésus. Et pour preuve de l'excellence de ma théorie, le drapeau communiste est rouge, les cardinaux sont en habit rouge, l'internationale est rouge, il était donc patent que Jésus, Marx, Pif le chien, le Père Noel étaient d'une même famille , celle des lendemains qui chantent le temps des cerises. Rouge, vous dis-je !

 

Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge
Une fleur couleur de sang
Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge
Lève-toi car il est temps

La première faille dans les enseignements du catéchisme, ce fut le coup des indulgences... Ah là là, les indulgences ... Mon schisme  personnel commençait. Pour les mécréants, ou les oublieux, l'indulgence est un avatar de la confession et de l'absolution, avatar qui dispense de la peine, et il y eût quelques prélats rapiats qui vendaient des indulgences, passez la monnaie. Des indulgences, il y en avait plusieurs, je résume, ça pouvait s'acheter comme les homards, tarif selon grosseur, (tiens encore du rouge !)

Petit schéma du principe : un gros péché = une grosse pénitence, mais on peut racheter la pénitence avec une grosse indulgence, et/ou un gros chèque.. Deux observations-réflexions concomitèrent avec cette histoire ; dans les environs immédiats de mon périmètre de vie, je ne voyais pas de pécheurs assez riches pour acheter les indulgences  pour des péchés qu'ils ne commettaient d'ailleurs pas. Dans l'ensemble, on avait le péché modeste, on bricolait au mieux dans la peccadille,  il y avait des chapardeurs, des menus gredins, rien que du véniel qui se lave d'un coup d'éponge confessionnelle, pas besoin de casser la tirelire, les confessions se terminaient toujours par 3 Pater et 5 Ave, ça se fait comme qui rigole,  en moins de 3 minutes et en pilotage automatique.

Donc, évalué à cette aune, on ne devait pas être des voyous de haut vol, à part les vols de cerises... car, par pur souci d'égalité et de fraternité, il fallait bien s'assurer que les cerises du voisin avaient le même goût que les nôtres, celles de nôtre cerisier de location. La réflexion qui suivit l'observation, ce fut que les grosses indulgences, les gros péchés, et les grosses factures y afférent  c'était réservé aux riches. Une espèce rare dont je n'avais pas de spécimen en vue pour vérifier la nature de leurs turpitudes sur-tarifées. En résumé, le cri du cœur, « C'est pas juste » résumait le fond du problème. Nous on n'avait pas les moyens, et ces péchés à géométrie variable, c'était de l'injustice.

Mais ma réflexion,  je l'ai gardée en mon for intérieur, je ne suis pas allé faire le raisonneur qui la ramène, je sentais bien le sujet sensible, et peu propice à un débat avec le curé, parce que c'était un brave type, et je pressentais bien que j'allais lui faire de la peine avec mes questions de suppôt de Pif le chien. J'ai gardé mes questions dans un coin, me réservant d'aborder le sujet plus tard avec Dieu him-self, à la prochaine occasion. Qui ne s'est pas encore concrétisée.

 

Mais quand reviendra le temps des cerises, sifflera bien mieux le merle moqueur..

Et tu vas pouvoir enfin le porter  Le chiffon rouge de la liberté
Car le monde sera ce que tu le feras  Plein d'amour de justice et de joie

 

En toute logique, j'aurais dû aussi me vêtir de rouge, j'y ai pas pensé, le rouge intérieur devait me sembler suffisant, un peu comme le rouge sang universel. Il me plait de penser que je suis un fragment d'universel, et si ça se trouve c'est vrai ? On n'est jamais à l'abri d'une bonne nouvelle.

 

Norbert Gabriel

 

PS : après ce rouge lyonnais, tendance Beaujolais, je suis devenu auvergnat, par naturalisation chansonnière. Mon initiateur es-guitare était un religieux d'un ordre missionnaire, et parmi les premières partitions il y eût « Chanson pout l'auvergnat » comme c'était à Riom, j'étais raccord, avec les paroles, la musique et la géographie. Et vous allez voir comme c'est étonnant la chanson, en trottinant sur des sites et forums du web, j'ai virtuellement sympathisé avec une internaute, dont au fil des mois, j'ai appris qu'elle est d'Auvergne, et pas seulement, elle vit à 3 kms de Riom, et de mieux en mieux, elle venait parfois faire ses courses dans le magasin que tenaient mes parents, son frère habitait dans le même immeuble, 14 rue St Amable, voilà pourquoi, avec Georges, nous chantons pour Danièle, (c'est un private joke)

 

Elle est à toi cette chanson

Toi l'auvergnate qui ce matin

M'a retrouvé ce fameux nom

De mon professeur de latin

Ce n'était rien qu'un souvenir

De l'année de mes quatorze ans

Quand la guitare venait sourire

Sur un Fa majeur triomphant...


 

(tous ceux qui ont débuté en essayant de faire un grand barré sur les 6 cordes d'une guitare modèle Brassens, comprendront de quoi il s'agit, et du sentiment de victoire absolue quand les six notes sonnent clair)

Car tout finit par des chansons, et parfois, ça commence aussi par des  chansons...

 

 

 

St Thomas.jpg

Ici finit la France, ici commence l'Auvergne

 

(avec l'aimable participation de Jean-Baptiste Clément pour les cerises - de monsieur Clément- comme l'a chanté Michel Fugain, dont "Le chiffon rouge" de Maurice Vidalin est toujours à portée de main)

C'était plus beau qu'un Evangile
C'était des mots de maintenant
Mais il faudrait que nos enfants
N'attendent pas comme on attend
Qu'elles mûrissent les cerises
Que nous chantait Monsieur Clément

 

 

 

 

17:58 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : chanson, rouge, brassens, auvergne