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31/01/2009

Histoire de bouche

 

Histoire de bouche....

Ou « la conjuration des forces obscures....... »

 

Mon Dieu quel bonheur d’avoir un mari qui bricole, chantait Patachou... Quand il a écrit cette chanson Brassens montrait que le poète a toujours raison qui voit plus haut que l’horizon, et le futur est son royaume. Comme disait Ferrat.

En ces années 1953-54, la bricolomanie balbutiait entre bout de ficelle et boite de clous, le vrai bricoleur n’avait besoin que d’un couteau suisse, un peu de chatterton et un morceau de fil de fer (galvanisé) pour refaire quasi neuf le vélo de grand père, millésimé 1910, le vélo, pas le grand père, et le relancer sur les routes des vacances, je parle toujours du vélo.

Avec dans la musette, quelques œufs durs, des carrés de chocolat, une banane, un trognon de pain, et une ou deux Vache qui Rit, (ou Veau qui pleure, ou Vache sérieuse... ça existait aussi) ces triangles de crème de gruyère qui égalent le triangle des Bermudes en matière de mystère insondable. Le triangle de fromage fondu enveloppé d’un pyjama de papier aluminisé très près du corps est adorné d’une petite languette rouge, qui fait joli, et qui est, en principe, conçue pour éplucher facilement la victuaille. Toutefois, ainsi que l’a relaté l’éminent Pierre Desproges, il est avéré que l’assembleur de ce trinôme, fromage+enveloppe+languette devait être un pervers chafouin modèle haute compétition, car le dépiautage d’une crème de gruyère a toujours été un exercice de haute précision. De crise de nerfs parfois. Et de questions irrésolues ( C’est là que ça rejoint le triangle des Bermudes, dans les mystères inexpliqués)

De plus, cet inventeur était un précurseur, un prophète des temps où la conjuration des forces obscures atteindrait le zénith de son efficacité.

1 - Le moindre observateur des choses de la vie moderne peut vérifier la prolifération des enseignes de bricolage, première constatation.

2 - Le plus distrait des consommateurs a vécu personnellement les affres d’avoir à désincarcérer un CD de son habit protecteur : le film transparent se rit de vos ongles affûtés, il ne cède que devant l’Opinel affûté que vous cachez au fond de votre sac (arme de 6 ème catégorie, si-si, voyous présumés que vous êtes) quant au Laguiole éventuel, là, vous êtes un redoutable terroriste potentiel... mais bon, il faut avoir un Opinel dans son sac... pour couper le saucisson que vous n’avez pas oublié d’emmener au cas où.

Si ce n’est un CD, un DVD, ça peut être un objet, une babiole de 3 ou 4 euros, tiens une clé USB, protégée dans un emballage probablement mis au point par les ingénieurs de la Nasa pour la navette spatiale ... le genre de truc qui pourrait passer 3 siècles dans un égout sans subir d’altération notable... Une matière plastique dure qui nargue l’Opinel, seule la pince coupante en vient à bout sans risquer de se transpercer la main (avec l’Opinel qui dérape) ou un sécateur, qui est rarement l’accessoire ordinaire d’un citoyen urbain résidant au 5 ème gauche. En revanche, le rural est armé d’outillage idoine pour résoudre ces problèmes, la clé  USB ne tient pas le siège plus de 30 secondes, le temps d’aller chercher le sécateur, à condition qu’il n’ait pas été oublié quelque part dans le jardin. Mais pour la crème de gruyère, le citadin et le rural sont à égalité. La languette rouge vous fait de l’oeil, on tire dessus, ça déchire un lambeau, et si vous tenez la chose trop fermement, ça s’écrase... Bien sûr, on peut mordre dedans, puis essayer de trier avec la langue les bouts d’emballage et le fromage, en recrachant les bouts de papier, mais franchement, c’est pas très glamour.

Devant l’énigme toujours renouvelée du mystère de la languette rouge qui devrait mais qui ne fait pas, je m’interlocute sur les incohérences du monde moderne. Je clique sur un clavier d’ordi pour savoir le temps qu’il fait dans la rue d’à côté, avant même que j’aie le temps de dire à mon chat, bouge pas, je vais voir sur le balcon s’il fait beau, j’ai la réponse. Ma question est partie de mon clavier jusqu’à un satellite qui vadrouille dans la stratosphère, le satellite la renvoie vers une banque de données qui va voir le temps qu’il fait dans la rue d’à côté, la réponse refait tout le chemin en sens inverse, allez dans les 10 000 kms, ça revient dans mon ordinateur qui l’écrit sur l’écran, j’ai déjà l’info quand mon chat me répond, j’en viens du balcon, c’est couvert avec température plus basse que les moyennes saisonnières.

On en est là, c’est prodigieux, mais les crèmes de gruyère ne sont guère plus accessibles en 2009 qu’en 1953, c’est là qu’on mesure toute l’incohérence du monde. On est peu de choses, finalement, quand une crème de gruyère résiste à vos assiduités alimentaires.

Et là, devant ce défi insolent et sarcastique, me vient l’image de la languette rouge de la Vache qui rit (je comprends maintenant, pourquoi elle rit, la vache) avec en voix off, le refrain pétulant « chez Casto y a tout s’qu’il faut »*... et j’entrevois la dimension de la conspiration, la collusion occulte entre les fabricants d’emballages quasi inviolables et les fournisseurs d’outils, perceuses, scieuses, chalumeaux, marteaux piqueurs : c’était pour ouvrir tous ces emballages hyper résistants.

Casto se parfume l’ego d’avoir tout, et même plus, Leroy s’est adjoint l’enchanteur Merlin pour parer à toute éventualité, on n’est jamais trop prévoyant... et personnellement, je vous conseille vivement de ne pas oublier la trousse des premiers secours, avec le numéro du Samu écrit en gros dessus. Et contenant un assortiment de tous les machins de la pharmacopée des psychotropes, tranquillisants, euphorisants dont les français usent et abusent parait-il. En enrichissant les laboratoires prospères dont les intérêts sont évidemment liés à ceux des producteurs de fromage fondu et aux fabricants d’outils pour bricolomaniaques, c’est la preuve : ils sont intimement associés dans la conspiration, tout se tient.

Avec la boîte à outils modèle super pro-bricolo new âge, vous êtes quasiment parés pour ouvrir les fromages, les CD/DVD sous scellés, les tranches de jambon polyphosphaté et autres succulences des temps modernes calfeutrées dans leurs armures made in dérivés du pétrole. C’est beau le progrès. Prévoyez aussi un mini labo d’analyse, pour bien mesurer le progrès qui prend soin de vous. La preuve ?

 

Le groupe Lesieur dorlote les consommateurs avec autant de considération qu’un moteur automobile, puisque de l’huile de moteur importée de l’Est a été incorporée dans ses produits alimentaires, et il y a une flopée !!! Voilà, ça vient de la région de Tchernobyl, (!) il y a environ 40 millions de litres d’huile frelatée – à moins de 10%, c’est pas grave dit l’Etat – Allez, une vinaigrette à l’huile de moteur tchernobylée, vous êtes dans le 3 ème millénaire. Ci-dessous le lien avec les marques pouvant vous faire bénéficier de ces produits hautement sophistiqués (au sens propre, si j’ose dire, c'est-à-dire selon Littré ; Sophistication : action de dénaturer une substance médicamenteuse ou alimentaire par le mélange frauduleux de substances inertes ou de qualité inférieure.

On ne saurait mieux dire.
http://www.unilever.fr/ourbrands/foods/default.asp

 

Et ma vache dans tout ça ? elle rigole, parce que la languette infernale n’a rien à voir avec les mutations génétiques, c’est juste l’invention d’un bricolo qui voulait faciliter l’ouverture des enveloppes de courrier. Pour le courrier, ce fut raté, mais ce fut rapté par le fromager fondu de triangle de crème de gruyère. Avec le succès qu’on sait.

Néanmoins, malgré tous ces déferlements de technologies de pointe, on n’a toujours pas élaboré la biscotte capable de supporter le tartinage de beurre sans s’effriter en miettes... Vous me direz qu’il y a toujours la confiture... je ricane, toutes, je dis bien toutes les biscottes ont des trous pour que la confiture dégouline, c’est automatique. Ah , oui, tiens  ? on me souffle que chez BricoTruc, il y a des combinaisons jetables en matière non tissée... je vais pouvoir me tartiner une biscotte avec la confiture que je veux sans être obligé de me passer au karcher après ripaille.... On n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.

 

Norbert Gabriel

 

*  "Chez Casto y a tout c'qui faut"  auteur le crooner Lucky Blondo, information transmise par l'érudit Michel Gosselin, dont l'Usine à sons mérite le détour, et même le voyage, c'est là:  http://www.usineasons.com/

Pour la BO, on peut écouter :

- Georges Brassens « le mari bricoleur »

- Jean Ferrat ( et Aragon) « le femme est l’avenir de l’homme »

- Les Frères Jacques « la confiture »

- Chanson "Patalo" des Têtes raides, "Micro-ondes" de Chanson Plus Bifluorée...

Et « Le moral des ménages » de Céline Caussimon (hautement conseillé)

 



Commentaires

Ca tombe bien, je la chantais justement "le mari bricoleur" en réparant ma porte-fenêtre. Et pour Lessieur, en toute logique le stock devrait être écoulé, à moins qu'ils ne recyclent le trop-plein d'huile de vidange fraiche tous les ans... Bah. Plus on est huilé, moins on se la joue grain de sable non ? Ceci expliquant cela...

Écrit par : LT | 31/01/2009

Bien que je retrouve dans les accents désespérés de ce billet des émois tout à fait personnels (encore que je déteste la vache qui rit, mais passons...), je dois signaler un oubli dans les avatars de l'ouverture impossible et du brise-phalanges; oubli bien excusable quand on n'a plus d'enfants en âge de recevoir une quelconque saleté estampillée made in quelque part, la couleur ne faisant rien à l'affaire. il ne vous échappa pas que Noël passa sur nous il y a environ un mois de cela. c'est une fête badine et qui devrait être propice aux retrouvailles familiales, aux gueuletons entre amis et, de façon générale, à la détente. S'il n'y avait les cadeaux des enfants.
En général, l'emballage est gros (trois fois la taille du jouet en moyenne), voyant et carré...jusqu'ici tout va bien, en particulier si, comme moi, vous faites partie de ces malheureux affligés du handicap terrible consistant à ne pas savoir opérer les virages nécessaires pour envelopper de papier cadeau glissant et rétif un contenant qui ne soit pas strictement cubique. Mais baste. Le fabricant de jouets (que jusqu'à ce stade des opérations on croit encore normalement diposé à l'égard de son frère humain et néanmoins client) pousse même souvent la prévenance jusqu'à ménager dans le plastique un trou aux dimensions idoines pour y glisser un doigt qui permettra de déclencher les hurlements stridents de la salop... qu'on s'apprête à offrir à nos sales gosses auxquels on assure pourtant déjà le gîte et le couvert, faut-il qu'on soit niais.
Hélas! on néglige trop souvent par une coupable imprévoyance le moyen terme de ces présents chrismatiques: c'est que, voyez vous mon bon monsieur, à un moment ou à un autre, ces cadeaux, il va falloir les ouvrir. Or, passé la soudure scotch et colle du carton, on s'aperçoit du piège dans lequel on est tombé: la saleté en plastique est rivée à une plaque de carton interne par des fils multiples conçus dans une matière qui à l'origine a sans doute été prévue pour renflouer les coques des sous-marins nucléaires ou pour colmater les fissures des centrales du même adjectif. utiliser un couteau est fort imprudent: les compagnies d'assurance assimilent ce cas précis à une tentative d'automutilation et aucun remboursement n'est consenti à la victime de son optimisme. La pince coupante et le sécateur sont cette fois impuissants: les fils sont si serrés que la lame la plus aiguisée se glisse à peine entre eux et le carton de renfort...lequel, soit dit en passant doit provenir des surplus de l'armée, section plaques de blindage pour char d'assaut. Eh, ma bonne dame, on ne va pas leur reprocher de recycler quand même!
Ne restent que les doigts, précautionneusement enveloppés a priori d'un épais tissu qui complique la prise mais vous donne une chance de tenir votre fourchette à peu prés normalement pour le réveillon suivant, à condition que le chirurgien fasse bien son travail et que vous cicatrisiez rapidement. Le tout sous les hurlement d'impatience et d'angoisse des gremlins auxquels vous avez eu la faiblesse de donner votre nom et que vous avez reconnus à la mairie par un papier officiel alors que vous ne saviez pas encore. Et quand enfin, suant, saignant, au bord de l'épuisement nerveux et physique, vous venez à bout de l'ultime fil, vous vous retournez, triomphant vers votre progéniture en brandissant l'objet de tous les désirs...
... et vous savez quoi? Le petit saligaud, jetant à peine un regard à la chose qui dégouline encore de votre sang, se détourne et s'en va jouer avec l'emballage.
L'année prochaine, ce sera une orange. la tradition ça a aussi du bon.

Écrit par : Shayim | 01/02/2009

Face aux forces obscures liguées contre le consommateur de crème de gruyère,
Consommons les bons fromages d'Auvergne, nom d'un saint-nectaire !

Merci pour ce texte très drôle !

Écrit par : Ephylie | 05/06/2011

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