06/03/2009
Mal au coeur...
.... Je veux que ma chanson soit comme un cri d'alarme
Entre un air à la mode et un chanteur de charme,
Et même si je ne chante pas assez fort,
Qu'on veuille m'écouter trois minutes encore.
Et si je viens chanter à la télévision,
Dans le cadre établi de la consommation,
Avec l'approbation du prince et de la cour,
Ne va pas croire que c'est pour faire un discours.
Ce n'est pas non plus pour te convaincre ou te plaire
Ou chanter les idées qui sont déjà dans l'air
Mais c'est pour demander un aujourd'hui meilleur
En faisant simplement mon métier de chanteur.
Cet extrait d’une chanson de Georges Moustaki m’a servi d’alibi ou de prétexte, pour ouvrir ce blog, je ne suis pas certain que mes éruptions plumitives vont changer la marche du monde, et dans les déferlantes de blogueries qui prolifèrent en floraison exponentielle, un blog de plus, à quoi bon ?
Bloguer... pour faire mon métier de citoyen : l’expression par le bulletin de vote a ses limites, témoin 2002, la moitié ou les trois quarts des électeurs n’ont pas voté pour un candidat, mais contre un autre.
On peut, en groupe en ligue en procession, être de ceux qui manifestent, et même tout seul à l’occasion, eh bien, le blog c’est ça : manifester tout seul, ersatz de Cyrano, « Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul !)
Puisque qu’il est question de vote, les pros de la profession ont voté, les Césars, les Victoires ... Pour la musique, ses victoires, ses éclats de voix et de télé, je me demande souvent pourquoi je m’ennuie devant l’écran qui nous chante la gloire des postulants à la médaille de récompense.
D’abord, pour qui chantent-ils ? Quand je suis dans une salle de spectacle, une salle normale, où il n’est pas besoin d’avoir un télescope pour entrevoir la scène, je peux voir et entendre qu’on chante pour moi, pour mes voisins de fauteuil aussi. Il y a cette complicité qui naît dès qu’on s’assoit. C’est pourquoi je suis toujours un peu désorienté, surpris, étonné, quand on crie dans le micro « est-ce que vous êtes là ? » j’ai dû passer inaperçu, et ça me désoblige vaguement. Ou alors l’artiste est mal voyant, mal entendant, mais il me semble qu’on la perçoit, la présence du public, sans être obligé de la solliciter comme le torero appelle le toro.
Est-ce pour cette raison que les scènes télés manquent de quelque chose d’essentiel ? Peut-être un vrai public, des gens qui ont choisi de se déplacer, de payer leur place, qui ont envie de partager, est-ce que ça se perçoit du haut de la scène ? A contrario, un artiste qui est invité dans une émission filmée, dans une salle gigantesque dont l’essentiel des spectateurs été recruté pour remplir la salle (et quand je dis « recruté » c’est vraiment aller chercher les gens en insistant beaucoup pour savoir s’ils vont venir ; ça signifie que la plupart des invités n’en a pas grand-chose à faire d’être là, c’est gratuit, on a un moment à perdre, et si ça se trouve le Coca est gratuit...) cet artiste est-il dans de bonnes conditions pour faire passer un embryon d’émotion ? Ça doit expliquer le syndrome du gourou et du kangourou* qui sévit de plus en plus.
Un souvenir de concert me donne toujours un frisson d’émotion, c’était dans une salle de 1200 /1500 places, à Villiers sur Marne, public très mélangé, très intergénérationnel, au bout d’une heure et demie de spectacle, Moustaki commence « Chanson-cri » presque en guitare voix... à ce moment du concert, il arrive que la voix fatigue, et ce jour-là, Jo était un peu enrhumé, et puis ce n’est pas Caruso ou Patrick Fiori sur le plan vocal...
Avec les derniers couplets, on a senti physiquement ce frisson d’émotion partagé par la salle, une sorte de vibration intense, intime, venue sans effets de voix, sans cris exacerbés, et là, j’ai compris ce qu’est une émotion vraie, pas frelatée ou télécommandée par des artifices. Chanter, oui, pour qui, pour quoi ?
... pour demander un aujourd'hui meilleur
En faisant simplement mon métier de chanteur.
C’est un beau métier quand il est abordé cette façon. Un aujourd'hui meilleur ? Pourquoi pas... On n'est jamais à l'abri d'une bonne nouvelle.
Norbert Gabriel
NB : je pense à mes grands parents italiens et espagnols, venus en France en 1920 pour s’éloigner des tendances politiques en émergence dans leurs pays. Si leur ticket d’entrée avait été subordonné à une dénonciation, je ne serais pas un bon français 100% lyonnais. Il y a des choses qui ne sont font pas, c’est pas « commifo » disait mémé Santina. Et les initiatives de certains ministères chargés de l’immigration ou de l’expulsion, me laissent un arrière goût de mal au cœur, on disait ça pour les nausées quand j’étais petit et que j’avais forcé sur le chocolat ou le tiramisu. Mal au cœur, oui...
Una mattina mi son svegliato
O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao
Una mattina mi son svegliato
E ho trovato l'invasor.
Alors j'ai quitté un pays que je ne reconnaissais plus...
Un matin, on se réveille, et on se dit que Liberté Egalité Fraternité est une belle histoire qu’on nous racontée à l’école, et même, on y a cru. Parfois, on continue d’y croire, envers et contre tout. En faisant son métier de citoyen.
* Le gourou et le kangourou, comme dit Baguian, (voir ci-dessous)
http://blogs.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.view&a...
« commifo » j’ai longtemps cru que c’était un mot italien, exprimant une attitude globale, dignité, même si on est pauvre, respect de soi et des autres, bien se tenir, être propre en dehors et en dedans, « comme il faut » c’est assez cyranesque finalement.
15:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
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