29/09/2009
Chanter c'est pas faire semblant
Véronique Sanson « Sans regrets » 1992
C’était le 26 Septembre 2009... à Meaux
Elle avait le regard de ceux qui vont mourir
Comme si elle se voyait mal et qu’elle voulait en rire
Elle ajustait sa voix pour qu’elle vienne à son cœur
Qu’il ne sache jamais comment une femme meurt.
Il y a bien 25 ans, un soir autour de minuit, j’ai entendu à la radio Nina Simone, elle chantait dans un festival de jazz, et j’ai découvert Sinnerman. Sur disque, c’est 10’29, ce soir là c’était dans les 12 minutes. Je connaissais, un peu, Nina Simone, comme tout le monde, par ses disques. Mais ce soir-là, je me suis demandé ce qui pouvait pousser cette femme à une telle incandescence dans l’expression scénique, comme si elle jouait sa vie. Après avoir consulté sa biographie, j’ai compris deux ou trois choses, pourquoi elle a fini sa vie en France, pourquoi elle a quitté les Etats-Unis... Enfant surdouée, elle ne peut devenir concertiste classique, son rêve absolu, le Curtis Institute de Philadelphie ne saurait accueillir une noire. Tout est là. Sa révolte, son chagrin, ses excès, son désespoir parfois sublimé par des « Sinnerman » d’anthologie.
Nina Simone sera toute sa vie une battante jamais résignée pour une Amérique plus juste, une Amérique qu’elle fuit, pour s’installer définitivement en France en 1994.
Pourquoi Nina Simone aujourd’hui ? Pour Véronique Sanson. Son concert de samedi aux Muzik’Elles fut un peu chaotique, en fluctuant, certes, sans mergitur, et il y eût les trois dernières chansons. On en était à deux heures de concert, deux heures, et alors, seule au piano, seule en scène, Véronique Sanson a chanté « Visiteur et voyageur, Ma révérence, Quelques mots d’amour », et là, j’ai réentendu Sinnerman, ce désespoir en musique de Nina Simone, et j’ai cru comprendre ce que vivait Véronique Sanson, la scène c’est ma vie, toute ma vie, ailleurs je ne suis rien, c’est mon radeau de survie, ailleurs, je me noie... C’est moi qui ai cru entendre ça, je ne sais pas comment réagissaient mes voisins de parterre, ce qu’ils ont pensé, mais c’était bouleversant, le sentiment de voir quelqu’un qui essaye de ne pas sombrer, et qui s’accroche à son piano comme à la dernière bouée de sauvetage.
J’imagine que Nina Simone vivait ça en jouant Sinnerman, en mettant toute sa vie dans sa chanson, une vie déchirée, écorchée, mais qui gardait en filigrane, une flamme vivace, et un écho de Barbara..
Ils ont beau vouloir nous comprendre
Ceux qui nous viennent les mains nues
Nous ne voulons plus les entendre
On ne peut pas, on n'en peut plus
Et tout seul dans le silence
D'une nuit qui n'en finit plus
Voilà que soudain on y pense
A ceux qui n'en sont pas revenus
Du mal de vivre
Notre mal de vivre
Qu'ils devaient vivre
Vaille que vivre
Ou de Ferrat..
Chanter
C'est parfois comme un mélodrame
Chanter
Où face à face avec soi-même
On joue sa vie à qui perd gagne
Avec le temps qui vous désarme
Chanter n'est pas faire semblant
Chanter n'est pas faire semblant
Pour ces trois dernières chansons, le 26 Septembre à Meaux, merci Véronique Sanson de ne pas avoir fait semblant.
Et Boby Lapointe pourrait conclure « Comprend qui veut, comprend qui peut »
Car « On dit que mon regard est déjà flou, Que c’est une chance que je tienne debout, Que ma chandelle est presque à bout... » (Visiteur et voyageur, 1992) méfiez-vous des a-priori et des idées préconçues.
Et ce matin, 29 Septembre, je viens de retrouver la trace de mon fameux Sinnerman de 12 minutes, on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.
Norbert Gabriel
"Chanter avec sa vie plutôt qu'avec sa voix" est une phrase de Lara Guiaro, comédienne qui chante.
NB : il y a un peu plus d’un an les éditions Tirésias ont publié un superbe ouvrage d’entretiens dans la série « Elles et eux » «Elles et eux et la chanson» dans lequel 66 artistes parlent de leur métier, et des raisons qui les ont poussé dans cette voie, il en ressort que pour beaucoup, c’est une souffrance... et comme toute souffrance, il faut bien essayer de l’ exorciser. Cet ouvrage remarquable est toujours disponible.
http://www.editionstiresias.com/pages/catalogue.php?cat=12
18:50 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Chanter c'est aussi lancer des balles...
Écrit par : chti31 | 18/11/2009
J'adore Véronique Sanson,la comparaison avec Nina Simone est bien sentie,j'aimerais trop qu'elle mette à son répertoire:Ma plus belle histoire d'amour de Barbara,je trouve que cette chanson,qui s'adresse directement au public lui irait à merveille.
Écrit par : Danièle Sala | 09/01/2010
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